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Sortir vivant d’un crash à 400km/h en Veyron

Loris Bicocchi est, on peut le dire, un rescapé. En effet, ce pilote d’essai qui a contribué au développement entre autres de la Bugatti EB110, de la Veyron et de la dernière Chiron a cru y passer.

La Bugatti Veyron n’était encore en 2003 qu’une voiture en développement, c’est-à-dire un support pour le moteur et la boite à vitesse. Ces deux composantes, très complexes pour l’époque, furent d’ailleurs la principale cause du report à trois reprises du lancement officiel de la voiture. (2003 puis 2004 puis 2005). Le W18 (3 blocs de 6 cylindres), prévu initialement fut abandonné car, seuls 555 chevaux  purent être extraits de ce dernier.

Un an plus tard, le W16 (deux blocs de VR8 ouverts chacun à 15° et assemblés sur le même vilebrequin selon un angle de 87°) fit son apparition mais tarda à montrer sa réelle capacité, puisque les premiers tests sur banc, ne lui donnèrent que 630 chevaux. La boite à vitesses, DSG à 7 rapports, représenta elle aussi un casse-tête pour les ingénieurs.

Finalement elle fut prête.

Quelque temps après la sortie désastreuse de la voiture devant les journalistes à Laguna Seca, rendez-vous est donc pris en 2003 avec les ingénieurs de Bugatti, sur le circuit de Nardò, afin de tester les différentes parties mécaniques de la voiture et vérifier les températures d’eau, d’huile et de boite à vitesses. Après quelques tours à vitesse modérée, l’ordre est donné à Loris Bicocchi de faire un tour pied au plancher, soit, pour une Bugatti Veyron,  à 400 Km/h

Il faut savoir que sur ce circuit, les voitures trouvent leur point d’équilibre à 240 Km/h ; au-delà, il faut braquer de plus en plus pour rester sur la bonne trajectoire. A 360 Km/h, l’accélération latérale est de 0.35 G et les pneus, du fait du transfert de charge de l’intérieur vers l’extérieur se mettent à souffrir de plus en plus.

Loris fait, comme convenu, un tour.

Le tour terminé, on demande à Loris, perplexe, d’en faire encore deux autres à pleine charge. En complétant le deuxième tour, à une vitesse de 398 Km/h, le pilote entend en une fraction de seconde, un sifflement suivi d’un bruit sourd. Le pneu avant gauche (extérieur) a littéralement explosé, causant l’arrachement de l’aile avant gauche et l’ouverture du capot sur le parebrise.  La voiture tape alors le rail de sécurité, causant l’explosion du pneu arrière gauche et la rupture des suspensions. Le casque du pilote heurte la vitre gauche, et la brise. L’augmentation subite de la pression de l’air dans l’habitacle provoque alors une lésion de son tympan.

En essayant de freiner, il se rend compte que les freins ne répondent plus, à cause probablement du choc qui a rompu les flexibles. L’instinct prend alors le dessus, il essaie de rabattre la voiture sur le rail de sécurité et l’y frotter afin de baisser la vitesse. Une fois, deux fois, trois fois. Le plus grand danger était que la voiture descende le banking (courbe relevée) et se fasse catapulter par le muret qui sépare la piste de l’intérieur de l’anneau.

L’huile sortant des flexibles, qui se sont rompus, commence à prendre feu. La fumée s’introduit à l’intérieur de l’habitacle par le biais des trous destinés à faire passer les câbles de mesure du moteur dans le cockpit.

C’est alors que Loris prend la décision de sortir de la voiture. Mais les choses se compliquent encore une fois. La porte en aluminium est coincée à cause des nombreux chocs sur le rail. A force de donner des coups de pied, il parvient à faire enfin céder la porte, et à se dégager. Puis… c’est le blackout total. En reprenant connaissance, il comprend que cet essai ne sera pas son dernier.

Après enquête, il s’avéra qu’une partie découpée dans l’aile avant en aluminium (exclusive aux voitures d’essai) afin de faire les réglages de la direction assistée, s’était déplacée sous la pression de l’air et avait lacéré le pneu. Malgré cette mésaventure, qui aurait pu lui couter la vie, Loris Bicocchi, ne cessera de faire l’éloge du comportement de cette voiture incroyable.

Pour l’anecdote, Bugatti recevra un mois après cet évènement, une facture comprenant les frais de réparation du rail de sécurité, de la part du circuit de Nardò !

Vive la marque!