Les fatbikes commencent visiblement à agacer. Agacer les cyclistes, agacer les piétons, et agacer le Conseil de Paris qui, après les trottinettes, les voitures, et les SUV, s’en prend aux vélos. Le problème, c’est que visiblement personne ne sait ce qu’est un fatbike, et que l’agacement porte sur le débridage, qui n’est pas propre à ce type de véhicule.

Fatbikes : les SUV du vélo dans la ligne de mire

Nos confrères du Parisien ont relevé les propos de Maud Gatel, présidente du groupe MoDem et indépendants, qui fustige les fatbikes. Dans ses déclarations, il y a malheureusement beaucoup d’amalgames. Nous allons évidemment revenir dessus, sans pour autant en vouloir au conseil, dans la mesure où les Pays-Bas ont également lancé une guerre  contre ces typologies de vélos à assistance électrique.

Des vélos endurants : oui mais…

Ainsi, un fatbike n’est pas un vélo plus puissant, ni un vélo plus endurant. Il s’agit d’un vélo avec de gros pneus. Souvent, effectivement, cette section de pneumatiques, comme le type de structures, est énergivore (dans une mesure cyclable, entendons-nous). Les batteries qui les équipent oscillent entre 500 et 1 000 Wh pour compenser cette perte. Un VAE « standard » tournant entre 400 et 825 Wh, il n’y a rien d’exceptionnel à cela.

Sur un vélo à assistance électrique, l’autonomie est minimum de 50 km. Évoquer cette distance comme un record est, là encore, la preuve d’un manque de connaissances. À titre d’exemple, le Tern longtail, que nous essayons actuellement, peut parcourir 63 km avec une batterie de 400 Wh. Un VTTAE Sunn de 500 Wh peut arpenter des dénivelés intenses sans descendre sous les 50 km. Bref, la première dénomination est fausse.

Une tenue de route appréciable : NON !

Mais non ! Sauf en tout-terrain. Les pneus à gros crampons sont tout sauf confortables sur un enrobé lisse de qualité, fraîchement financé par la commune. C’est même l’inverse. Les gros pneus ont en revanche un avantage : ils permettent d’atténuer les imperfections de la route. En gros, ils évitent aux constructeurs la dépense onéreuse d’une fourche suspendue ou d’un amortisseur central, en échange de pneus souvent bas de gamme et donc peu chers.

Même la position de conduite n’a rien d’agréable : trop droite, sans dynamisme.

Ils vont plus vite que les VAE « traditionnels » et les cyclistes

C’est là le gros amalgame bien gras. La loi limite les VAE à embarquer un moteur d’une puissance nominale de 250 W. NOMINALE. En crête, les moteurs peuvent délivrer un peu plus d’énergie pendant une courte durée pour franchir une belle montée. Ça s’appelle la puissance en crête.

TOUS LES VÉLOS sont concernés. En revanche, certains vélos sont facilement débridables. Ils viennent tous de Chine, les acteurs japonais et européens ne jouant pas du tout à ce jeu (Yamaha, Shimano, Fazua, Mähl et Bosch sont stricts). Mais le type de vélo (gravel, fatbike, hollandais, VTT) n’a aucune importance. Seule la technologie du moteur embarquée importe.

En revanche, l’engouement pour les vélos typés moto et l’absence de réponse des acteurs du cycle européens (Décathlon, Intersport ou d’autres noms du cycle comme Canyon, Orbea ou Giant par exemple) a créé un boulevard pour les importateurs de vélos chinois. Pour une raison de style et de mode, les vélos typés moto plaisent. Si demain, le VTT était à la mode, les VTT débridés seraient nombreux.

Il existe des Speedbikes qui répondent à une législation spécifique (et dans laquelle se trouve un gros vide juridique) qui peuvent grimper, à la force des mollets tout de même, à 45 km/h. Nous en avons d’ailleurs déjà essayé sur Caradisiac, ici et là. Des vélos dont les propriétaires retirent systématiquement les plaques pour profiter des pistes cyclables en toute discrétion. À ce jour, aucun accident grave impliquant un speedbike n’a été référencé.

Une assistance limitée à 25 km/h, mais pas une vitesse de vélo

Autre amalgame : la vitesse maximum autorisée. En effet, celle-ci est souvent brandie comme argument sine qua non. Mais un vélo à assistance électrique n’a pas de vitesse limite. C’est son assistance électrique qui se coupe à 25 km/h. Il est tout à fait possible (bien que difficile compte tenu des engins) de rouler à plus de 25 km/h. Il est surtout tout à fait légal. Il faut juste pédaler fort.

Quant aux pistes cyclables dont la vitesse est limitée, encore faut-il légiférer sur un compteur de vitesse sur les vélos, comme c’est déjà le cas pour les catadioptres, sonnettes ou éclairages. Sans cela, rien n’oblige un cycliste à constater sa vitesse.

Après la ville, il y a aussi un « dress code » sur la piste cyclable ?

Enfin, ces propos de David Belliard à nos confrères du Parisien sont assez édifiants : « Nous n’avons pas la possibilité, à notre niveau, d’interdire l’accès de ces gros engins à nos infrastructures cyclables s’ils respectent le Code de la route et la législation. »

Autrement dit, nous ne savons pas comment interdire quelque chose qu’il n’est, légalement, pas possible d’interdire. Il semblerait que le gouvernement se soit doté d’un goût prononcé pour l’interdiction.

Une comparaison bancale avec les trottinettes

Les trottinettes, vilain petit canard, ont subi le joug d’un mauvais usage. Les statistiques d’un vote n’autorisant pas les voix des principaux concernés les ont retirées des rues, et ce, à l’échelle nationale. C’est oublier qu’il s’agissait des trottinettes en libre-service. Ce qui n’a rien à voir avec l’usage d’un bien personnel.

Nous avons le même comportement visible avec les vélos en libre-service. Mais il s’agit d’un vélo, donc ça va. Du moins, tant que ce n’est pas un fatbike visiblement.

Car les trottinettes continuent de circuler sur les pistes cyclables, comme Véhicules Terrestres Motorisés, moyennant une assurance. À la différence d’un VAE, qui appartient au groupe des personnes vulnérables de la route et qui se reposera donc sur l’assurance du véhicule motorisé, qu’il soit en tort ou non.

Nous sommes face à beaucoup d’aberrations, mais la plus importante ici, c’est de vouloir interdire quelque chose avant de savoir pourquoi et, surtout, d’en explorer les réelles raisons. Une politique de l’interdiction pour l’interdiction, de la limitation pour la limitation, sans en analyser réellement les effets à court et long terme. Sans régler de manière réfléchie le problème. Il est d’ailleurs évoqué la volonté de prévenir les risques accidentogènes. Mais impossible de mettre en avant les chiffres d’accidents graves sur les pistes cyclables entre vélos. Or, les vélos débridés sont déjà un délit, ça n’a rien de nouveau.

Cette approche du fatbike rappelle le rejet du SUV. Une volonté d’interdire quelque chose, sans être capable de le définir.

Pour finir, interdire une géométrie de vélo est absurde. Le problème n’étant pas la forme, mais le fond (le moteur), cela ne fera que modifier les apparences des pistes cyclables, mais ne résoudra en rien le problème.

Il arrivera bien un moment où il faudra interdire d’interdire.

Enfin, parlons un peu chiffres :

Vélos débridés :

En France, les vélos électriques débridés, c’est-à-dire dont l’assistance dépasse la limite légale de 25 km/h, représentent environ 10 % des ventes de vélos électriques d’importation, principalement en provenance de Chine. Ces vélos débridés utilisent souvent des moteurs de 500 W voire 1 000 W, ce qui est bien au-delà de la norme autorisée de 250 W en Europe.

Selon une étude de la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB), près de 15 % des utilisateurs de VAE ont admis avoir modifié leur vélo pour dépasser la vitesse limite imposée, bien que cette pratique soit illégale. Rien ne stipule qu’il s’agit de fatbikes

Accidents liés aux speedbikes :

En 2023, aucun accident mortel impliquant un speedbike (modèle avec assistance jusqu’à 45 km/h) n’a été officiellement recensé en France. Cependant, leur usage est sujet à controverse, car ces vélos nécessitent théoriquement une immatriculation, une assurance et une conduite hors des pistes cyclables.

En revanche, aux Pays-Bas, les accidents impliquant des speedbikes ont connu une légère augmentation, avec environ 80 accidents graves recensés entre 2020 et 2023, dont une dizaine liée à un usage sur des infrastructures cyclables où ces engins ne sont pas censés rouler.

Accidents sur les pistes cyclables entre vélos :

En France, les accidents graves entre cyclistes sur les pistes cyclables restent relativement rares. Selon l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR), environ 150 collisions entre cyclistes ont été signalées en 2022, avec seulement une petite fraction d’accidents graves (moins de 10 %, soit 15 environ), et aucun accident mortel répertorié.

Les principales causes sont liées à des comportements à risque (vitesse excessive, utilisation du téléphone), des intersections mal sécurisées, ou des défaillances techniques (freins, éclairage insuffisant).

Ces chiffres montrent que, bien que les débats sur les fatbikes et les vélos débridés soient d’actualité, les incidents graves sur les pistes cyclables restent relativement marginaux. La réglementation stricte autour des VAE et des speedbikes semble jouer un rôle dans la limitation des risques associés à ces véhicules.

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