Tout petit déjà, Horacio Pagani concevait lui-même ses voitures jouets. Devenu grand, il a créé la Pagani Zonda, l’une des autos les plus exclusives des trente dernières années.

La Pagani Zonda est un jeu d'enfant

L’automobile est toujours un jeu d’enfant. Une histoire de gamins qui refusent de lâcher leurs jouets, et qui finissent par y consacrer leur vie. Comme l’a fait Horacio Pagani. Dans son fief de San Cesario Sul Panaro, tout près de Modène, ou l’Argentin a installé sa petite usine, ou plutôt son gros atelier, il suffit de pousser la porte. 

Là, dans le hall d’accueil, sont exposées de petites autos en bois ou en résine. Car si les gosses du monde entier jouent avec les petites voitures qu’on leur offre à Noël, le créateur de la Zonda, tout petit déjà, les concevait et les fabriquaient lui-même. Mais quand on a 12 ans en 1967, qu’on est le fils du boulanger de Casilda en Argentine, on a beau se rêver en futur Enzo Ferrari, on est très très loin de Maranello.

Un buggy sur une base de Dauphine

Mais dans les contes, il y a des fées qui se penchent sur des berceaux, ou plutôt le garage du petit Horacio qui bricole des motos. La première d’entre elles est un ingénieur, Gustavo Marani, qui veut se lancer dans le dessin automobile. Il encourage le petit et surtout, lui montre que le métier dont il rêve existe pour de vrai. Alors Horacio continue de bricoler, et lâche ses motos pour construire, seul à 15 ans, un buggy sur une base de Renault Dauphine. Il a 17 ans et ne lâche pas ses études pour autant. 

Il veut être ingénieur automobile, mais à la fin de ses études, il doit gagner sa vie. Et les voitures de course ne sont pas un business immédiatement rentable. Alors, à son compte, il va développer, et breveter, pour des industriels locaux, un véritable inventaire à la Prévert ou l’on retrouve des lits orthopédiques, des camping-cars, des meubles et des fauteuils roulants. Les fins de mois sont assurés, mais l’automobile s’éloigne. Pas très longtemps.

Horacio Pagani est resté un grand enfant.
Horacio Pagani est resté un grand enfant.

En 1979, il a 24 ans et se verrait bien piloter sur un circuit de temps à autre. Avec quelle auto ? Il suffit de la construire pardi. C’est parti. Il conçoit un châssis et s’en va voir Renault Argentine avec sa création sous le bras. Bluffés, les cadres locaux du losange vont lui fournir un moteur. Voilà Pagani devenu, chaque week-end, un assidu des pistes de courses avec sa petite F2. Il ne va pas y briller plus qu’il ne faut, mais va y croiser celui qui deviendra son ami et son mentor, sa deuxième fée : Juan Manuel Fangio, le dieu vivant argentin.

L’ultra champion de F1 ne voit pas en ce jeune homme un futur grand pilote, mais un extraordinaire concepteur de voitures. Mais Fangio sait que l’avenir d’Horacio n’est pas en Argentine. Alors, il lui colle une recommandation dans la main et l’expédie à Modène en Italie, au cœur planétaire de l’automobile sportive de l’époque. On est en 1983, et avec un tel parrain, Pagani trouve rapidement un job : ce sera chez Lamborghini, pas très loin de là, à Sant’Agata bolognese. Là, il continue d’apprendre et se spécialise dans un nouveau matériau de plus en plus utilisé dans l’automobile : le composite. 

Mais Pagani n’a pas l’âme d’un salarié. Cinq ans après son arrivée chez Lamborghini, il s’en va pour fonder Pagani Composite Research, car il sait que ce matériau a le vent en poupe, dans toute l’industrie. L’automobile ? Il y pense toujours, en rêve.

Sauf que les années passent et il voit les autres grandes marques italiennes se lancer dans des autos de plus en plus exclusives, des supercars. Pourquoi pas lui ? Alors, en parallèle de sa petite entreprise, il va en concevoir une lui aussi. Son nom ? Fangio F1, évidemment. Pagani va lui créer un écrin, une deuxième entreprise, logiquement baptisée Pagani Automobili SPA. 

L'Utopia, la dernière née.
L’Utopia, la dernière née.

Le vieil ami argentin veille toujours au grain. C’est que le prototype a l’air encourageant, sauf qu’il est dépourvu de moteur. Fangio s’en va alors demander à Mercedes, qui ne saurait rien lui refuser, d’aider le petit. Pas de souci, voilà la première Pagani équipée du V12 allemand de 6 l et 395 ch. Le grand pilote argentin aura tout juste le temps de voir la création de son poulain achevé avant de mourir en 1995. Dévasté, Pagani va rebaptiser son auto. Elle s’appellera désormais Zonda, comme le vent argentin qui emporte les cendres de son vieil ami.

La Zonda et sa descendance

La suite est écrite dans l’histoire de l’automobile. La Zonda C12 est dévoilée au salon de Genève en 1999, et le public n’en revient pas. Les premiers journalistes et clients potentiels non plus. Car si l’auto reste une supercar ultra-exigeante, elle sait aussi se montrer gentille, comme le souligne Cédric Pinatel qui a testé l’une de ses descendantes : l’Utopia

Une auto surpuissante et (presque) facile ? C’est la Pagani’s touch. Mais facile ne veut pas dire abordable. À San Cesario Sul Panaro, on prend son temps et on ne fabrique que cinq voitures par an. À 2,5 millions l’unité, on soigne la marchandise. Ce prix, très élevé, n’a pas empêché Pagani de donner une descendance nombreuse à sa première Zonda qui d’ailleurs a très vite évolué. Un an après sa formule initiale, elle accueille un autre V12 allemand,, cousin du premier, le 7 l AMG et sa cavalerie de 555 ch et sa vitesse de 355 km / h. Ce n’était pas la plus rapide, mais l’une des plus exclusive puisqu’en 15 ans d’existence, l’auto sera fabriquée à 65 exemplaires.

À 69 ans, Horacio Pagani, quant à lui, continue à veiller sur ses bolides. Car quand on est resté un enfant, on ne vieillit pas vraiment.

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