Si l’ancêtre du SUV tel qu’on l’entend actuellement est certainement le Jeep Wagoneer, c’est bien Ford qui a introduit l’appellation Sport Utility en 1965 lors du lancement de son Bronco. Depuis, les SUV ont énormément évolué pour devenir des véhicules familiaux dont le succès est certes dû aux notions ludiques de ces ancêtres mais aussi à leur look et surtout leur praticité…
Considérés comme source de bien des maux, les SUV n’en finissent pas d’être sur la sellette. Conspués par des écolos en mal de cibles faciles, relayés par quelques médias complaisants qui contribuent à donner une vision déformée de leur réalité, les SUV sont pourtant de plus en plus demandés par la clientèle, qui depuis le Nissan Qashqai présenté en 2007 les a progressivement préférés aux monospaces, aux breaks, puis aux berlines.
Mais qu’est-ce qu’un SUV ? En France, il n’en existe pas définition officielle, de sorte que cette appellation est devenue un fourre-tout : on qualifie de SUV aussi bien une petite Peugeot 2008 qu’un énorme Land Rover Defender châssis long, ce qui facilite la tâche de ceux qui veulent répandre leur haine anti-voiture. Les constructeurs ont bien tenté d’imposer d’autres dénominations (SAC, Crossover), mais la clientèle n’a répondu positivement qu’à SUV. Dont acte.
Faisons un brin d’histoire. SUV signifie Sport Utility Vehicle, une formulation dont on peut retracer l’origine à l’été 1965 dans un prospectus créé par Ford lors du lancement de son premier Bronco. Il s’agit donc purement de marketing. Dans des Etats-Unis épris de loisirs, la jeunesse s’ébat sur les plages de Californie dans des buggies, comme le Meyers Manx, et dans des engins plus imposants, tels que l’International Scout ainsi que la Jeep CJ-5. Des engins de loisirs certes, mais véhiculant aussi une connotation sportive, tant ils plaisent aux surfeurs, pour ne citer qu’eux.
En 1962, Jeep sort le Wagoneer, une sorte de break familial surélevé et nanti de capacités réelles en hors-piste, que l’on peut considérer comme l’ancêtre des SUV tels qu’ils sont actuellement. Ce, alors qu’il ne dispose pas de cette dimension sportive qui permettra au Bronco de se distinguer, lors de son lancement, à l’été 1965. Lui cible directement la jeunesse sportive avec son prix serré qui n’empêche pas un look sympa accompagné de quatre roues motrices et de moteurs puissants, surtout le V8 289 introduit en 1966.
Dans la plaquette publicitaire de lancement, Ford fait bien état de « sports utility », le Bronco s’avérant également pratique, le revers de la médaille étant son caractère très spartiate. Un point sur lequel le Jeep a un coup d’avance. Mais le Bronco connaît un joli succès, qui va inspirer ceux qui l’ont inspiré. Ainsi, Chevrolet présente le Blazer pour 1969, suivi pour 1971 de l’International Scout II en 1971, et pour 1974 du Dodge Ramcharger ainsi que celui qui poussera la formule du Sport Utility Vehicle vers bien plus de civilité et de polyvalence : le Jeep Cherokee.
Dérivant du Wagoneer deux portes, le Cherokee se veut sympa et sportif, mais également pratique et confortable, sans pour autant se vouloir chic, au contraire du Range Rover apparu en 1970. Se revendiquant Sport Utility Vehicle, le Jeep trouvera sa clientèle en France, où les constructeurs comprennent à leur tour le désir des gens pour des voitures ludiques, pratiques et bon marché.
Cela donne dès 1968 la Citroën Méhari, qui finalement plaira davantage aux professionnels qu’aux jeunes épris de sport, et surtout, en 1977, la Matra Rancho. Celle-ci, sans le savoir, pose déjà les bases du SUV moderne, par son gabarit, sa technique et sa vocation. Dérivant de la Simca 1100, qui fut la voiture la plus vendue en France, la Rancho est donc une traction à moteur transversal raisonnablement motorisée (4-cylindres 1,4 l de 80 ch), économique à l’usage, pas trop encombrante donc commode en ville, et très spacieuse grâce à son compartiment arrière surélevé.
Dotée d’une garde au sol légèrement accrue face à celle de la 1100, la Rancho peut s’aventurer en tout-chemin tout en demeurant suffisamment rapide pour l’autoroute puisqu’elle atteint 145 km/h. Elle s’adresse à une clientèle d’abord urbaine qui se moque bien de la vitesse mais cherche plutôt une voiture pour rouler tous les jours mais aussi s’évader à la montagne (un kit permet de dormir dedans), ou encore chiner. La Rancho dépassera toutes les espérances commerciales de Matra-Simca, qui la remplacera, après bien des péripéties, par l’Espace en 1984, badgé Renault lui. Oui, SUV et monospaces ont bien des gènes communs ! Mais ça, on ne le sait pas encore.
Les constructeurs s’engouffrent dans la voie défrichée en Europe par l’Espace (et aux USA dès 1983 par le Dodge Caravan, connu chez nous sous l’appellation Chrysler Voyager), alors que les SUV proprement dits demeurent très typés tout-terrain. Le Jeep Cherokee XJ, lancé en 1983, se veut plus proche d’un break surélevé que jamais mais conserve les inconvénients liés aux 4×4, à savoir des trains roulants sans raffinement, une consommation assez élevée et un comportement routier bien moins précis que celui d’une berline.
Il faut attendre 1993 et le Toyota RAV4 pour voir le SUV se rapprocher très nettement des qualités routières d’une compacte dynamique, avec ses quatre roues indépendantes (mais tout de même motrices) et son moteur vif. Pour autant, il ne s’adresse pas encore au grand public à cause de son volume initialement réduit et son prix relativement élevé.
Pendant ce temps, les monospaces connaissent un succès solide, encore renforcé par des modèles plus compacts et moins chers que l’Espace, tels que le Renault Scenic en 1996, suivi en 1998 de l’Opel Zafira voire du Fiat Multipla, et en 1999 du Citroën Xsara Picasso pour ne citer qu’eux. Là, on parle de plus d’un million de véhicules vendus annuellement en Europe, et personne ne songe à s’en plaindre.
Les SUV ? Ils vont commencer leur mue par le haut : en 1997, Mercedes lance son ML, bien plus adapté à la route que ses rivaux Jeep Cherokee et Range Rover grâce à ses trains roulants sophistiqués, et en 1999, BMW trouve la bonne formule. Contrairement au ML, le X5 se passe des équipements de franchissement, comme la gamme de vitesses courtes. Pourquoi ? Parce que les gens ne s’en servent pratiquement jamais ! Plus luxueux que le Mercedes mais pas plus cher, le BMW X5 est produit comme lui aux USA, ce qui montre bien sa destination première.
Et pourtant ! En Europe, le BMW rencontre un joli succès commercial, séduisant des acheteurs aisés qui veulent l’agrément et la praticité d’un véhicule surélevé mais pas le look camionnette d’un monospace. Plus court qu’une Série 5 Touring, le X5 n’en propose pas moins un volume utile conséquent, qui plaît aux familles, le trouvant plus aisé à garer en ville. Porsche suit le mouvement en 2002 avec le Cayenne, qui connaît comme ses rivaux allemands un succès immédiat. En dans une gamme plus abordable ? C’est Nissan qui décroche la timbale en 2007 avec le Qashqai.
Reprenant une base de Renault Mégane II, le Qashqai arbore un look sympa, se pare de l’air de sport et d’évasion inhérent aux SUV, propose une belle habitabilité doublée d’un grand coffre, consomme peu grâce à son poids et ses moteurs raisonnables, tout en demeurant abordable : la clé d’un immense succès !
Il trustera des années durant le top 10 européen, et donnera des idées à la concurrence. Depuis, bien des constructeurs sont passés au SUV, et ceux qui l’ont fait en retard l’ont payé cher en termes de ventes. Car la clientèle souhaitait depuis très longtemps cette synthèse entre la Rancho et l’Espace, entre le Cherokee et le Voyager, ce que les marques ont été paradoxalement lentes à comprendre.
Ainsi, de façon systématique, dans les gammes des constructeurs, on a vu les SUV prendre le pas sur les monospaces (chez VW, le SUV Tiguan a grignoté le monospace Touran, chez Renault, le Kadjar a nui au Scenic, pour ne citer que ceux-là), puis sur les breaks et enfin les berlines. Comment s’en étonner ?
Les SUV poussent l’essence de la voiture de tourisme, la polyvalence, à un niveau jamais atteint. Ils satisfont à une gamme de besoins très étendues et, travaillés en verticalité donc courts, s’adaptent très bien à la ville. Les SUV, imposés par les vendeurs aux clients pour augmenter les marges des constructeurs ? Une pure fable conspirationniste !
Leur garde au sol plus importante leur permet d’affronter bien plus aisément les obstacles sans cesse mis en travers de la route, comme les zones de travaux, leurs assises surélevées conviennent particulièrement aux familles (elles facilitent l’installation des enfants dans leurs sièges dédiés) mais aussi à une population vieillissante qui a des problèmes de dos, leur volume utile, parfois équivalent à celui d’un monospace, les rend très intéressants pour les voyages à plusieurs et leurs plateformes et leurs moteurs de compactes leur permet de limiter leur consommation, pour ceux qui représentent le gros du marché (Dacia Duster, Peugeot 2008, Renault Captur, Toyota Yaris Cross, VW T-Cross, notamment).
Enfin, ils rassurent leurs utilisateurs dans une période où la peur est brandie de partout, que ce soit par les écologistes qui ne cessent de parler de catastrophe climatique, et l’extrême-droite, qui ne cesse de parler de catastrophe migratoire. Sans même parler du 11 Septembre 2001, qui a fait basculer l’Occident dans l’inquiétude. Comment s’étonner de leur succès ?
Par ailleurs, bien au-delà des mensonges de certains militants de l’environnement, les SUV ne consomment pas plus que les monospaces (voire moins), et à peine davantage que les breaks au volume équivalent (mais pas systématiquement), aussi tout le battage qui est fait autour de leur supposé impact écologique n’est-il qu’agitation stérile et militante.
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