LES VOITURES LES PLUS RAPIDES DU MONDE – Il a lui aussi battu un record, en 1937 sur le circuit de Montlhéry. Mais après une première vie consacrée au sport auto, le sorcier s’est renouvelé en créant des sportives dérivées de modèles Renault, mais toujours en bleu à bandes blanches.
La plupart des géants de l’automobile explosent les records de vitesse à l’apogée de leur carrière, mais Amédée Gordini a entamé la sienne de cette manière. Ou plutôt, c’est un record qui va le propulser au sommet d’une gloire à peine naissante.
La scène se passe en 1937 à Montlhéry. Sur l’autodrome, une toute petite auto ridicule se présente. Pensez donc, comparée aux monstres qui courraient à l’époque, cette Simca 5, adaptée de la Fiat Topolino de 1936 ne peut pas rivaliser. Mais elle est passée entre les mains du « sorcier » comme l’a surnommé le journaliste Charles Faroux qui était aussi l’un des fondateurs des 24 h du Mans.
« Light is right », bien avant l’heure
Il a vu passer la petite souris bleu au Mans, justement, et la régularité de l’engin, du haut de ses 568 cm2 et de sa vitesse moyenne de 85 km / h, l’a stupéfié. Alors, à Montlhéry, il est curieux de voir ce que l’ingénieux italien va tirer de l’engin. Et deux jours après, il n’en revient pas : en 48h, l’auto a parcouru 4 950 km à la moyenne de 103 km / h, record du monde. Un exploit qu’Amédée Gordini a réalisé grâce à un concept qu’il a maîtrisé des décennies avant le « light is right » cher à Colin Chapman. Une légèreté de l’auto qui permet de disposer de petites cylindrées, boostées par des doigts de fée et c’est le succès assuré.
Amédée n’a pas 30 ans et pour lui, c’est la fin des galères. Celles qu’il a connu depuis son départ de Bozzano près de Bologne, ou il est né. En ce début de XXe siècle, l’Italie n’est pas encore la patrie de l’automobile. Cet eldorado se trouve de l’autre côté des Alpes. Alors celui qui s’appelle encore Amedeo va s’exiler, comme son illustre compatriote, le milanais Ettore Bugatti. Mais lorsque ce dernier choisi l’Alsace, sous férule allemande. Gordini lui, monte à Paris, ou il fait la fête en ces années folles, jusqu’à la ruine. Heureusement, la diaspora italienne l’accueille, au garage Gasparetto à Suresnes tout d’abord, puis, pas très loin, chez un autre compatriote à Saint Cloud.
Travailler pour les autres, c’est bien, développer ses propres idées c’est mieux. Et le très sérieux coup de volant de celui que l’on n’appelle plus qu’Amédée, les premières Simca qu’il ensorcelle, et les records qu’il enchaîne, lui donneront cette notoriété et cette possibilité. Mais la guerre met toutes ses espérances entre parenthèses en un temps ou avoir la nationalité italienne n’est pas la meilleure carte de visite dans l’hexagone.
Le conflit terminé, les affaires reprennent. Gordini demande la nationalité française, qu’il obtiendra quelques années plus tard, et s’installe dans un atelier du boulevard Victor, à Paris, tout près de la Porte de Versailles ou se tient aujourd’hui le Mondial de l’auto. Son idée, encore et toujours : développer des voitures de course. La Formule 1 vient de naître et le sorcier y cherche sa place. Il tente de placer ses F1 sur le podium, mais les résultats ne sont pas à la hauteur. Jusqu’en 1957, Gordini va s’acharner. Il parviendra même à devancer Ferrari avec, au volant de ses autos, un certain Jean Behra, immense pilote à qui Amédée a mis le pied à l’étrier, mais aussi Maurice Trintignant.
Mais les résultats du team Gordini ne sont pas suffisants pour assurer la stabilité de l’entreprise. En 1957, le sorcier jette l’éponge. Il envisage de licnecier ses collaborateurs et de fermer ses ateliers du boulevard Victor.
Mais, à 57 ans, il fait une rencontre qui va, une fois de plus, sauver le cours de sa vie et de sa carrière. Par l’entremise de Fernand Picard, le directeur de la R&D de Renault il décroche un rendez-vous avec Pierre Dreyfus, le patron de la régie pour lui soumettre une idée : insuffler un grain de folie à la très sage Dauphine qui vient de naître, en lui greffant notamment ce quatrième rapport qui lui manque tant. Dreyfus est partant et 10 mois plus tard seulement, la Dauphine Gordini est sur les routes, sur les circuits et les rallyes.
C’est un succès. L’image Gordini rejaillit sur les ventes de la Dauphine classique. Alors, lorsqu’en 1964 elle est remplacée par la R8, une version bleue à bandes blanches est immédiatement mise en chantier. Elle aura encore plus de retentissement que la Dauphine, surtout grâce à la coupe Gordini, ultra-populaire.
D’autres autos suivront, de la R12 à la R17 en passant par des collaborations avec Alpine. En 1969, Renault rachète Gordini et l’usine de Viry-Châtillon (ou étaient assemblés les moteurs de F1 jusqu’il y a peu) remplace les anciens ateliers parisiens devenus vétustes.
Amédée lui, ne vendra pas le boulevard Victor et, jusqu’à la fin de sa vie, on le retrouvait penché sur sa planche à dessin. Il nous a quitté en 1979. Après son départ, son nom sera encore apposé sur des autos du losange, des Clio ou des Twingo RS Gordini, jusqu’à ce qu’un décideur de l’ex-régie décide, en 2012, que cette marque ne sera plus qu’un niveau de finition sur des modèles Renault. Ce décideur, numéro 2 de Renault à l’époque, n’était autre que Carlos Tavares.
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