L’INFO DU JOUR. Le patron de l’équipementier Valeo, l’un des leaders mondiaux du secteur, invite l’Europe à imiter les Etats-Unis pour préserver son industrie.
Christophe Périllat plaide pour que les entreprises chinoises cherchant à s’implanter en Europe y produisent réellement de la valeur. Photo IP3Press/MAXPPP
Il faut toujours écouter ce que les grands équipementiers ont à dire sur le marché automobile. Tout simplement parce que, travaillant avec tous les grands constructeurs, ils ont une vision extrêmement large de tout ce que les uns et les autres préparent, sur tous les continents, et disposent à ce titre d’informations stratégiques de première importance. Cette semaine, c’est le patron de Valeo Christophe Périllat qui a pris la parole dans une interview accordée à nos confrères allemandes d’Automobilwoche, et il a été très clair au sujet de la menace que fait peser la Chine sur l’industrie auto européenne: « Nous assistons à une initiative chinoise en Europe comme jamais auparavant – sur le plan technologique, financier et en termes de prix. En termes simples, il s’agit d’un tournant pour la Chine et l’Europe dans tous les aspects clés de la compétitivité. » Et d’ajouter : « Si nous ne faisons rien, davantage de composants viendront directement de Chine vers l’Europe, et comme environ 80% de la valeur d’une voiture moderne est créée par les fournisseurs, cela pose un risque sérieux. » L’inquiétude est d’autant plus forte que « depuis janvier 2020, l’Europe a perdu 25 % de sa compétitivité face à la Chine. Cela est dû à la hausse des prix de l’énergie, qui a entraîné des augmentations de salaires et une vague d’inflation. »
Hors de question de laisser l’écart se creuser, alors même que s’accumulent les mauvais signaux en provenance de l’industrie auto sur le Vieux continent (Valeo cherche justement un repreneur pour son usine iséroise, à quoi s’ajoutent des licenciements et fermetures d’usines chez VW, des craintes sur l’outil de production Stellantis, et des réductions d’effectifs chez Michelin, Ford et Bosch, etc.). Si l’Europe veut préserver sa base industrielle, elle n’a pas vraiment le choix selon Christophe Périllat: elle doit exiger des entreprises non européennes qui entrent sur le marché un niveau minimum de création de valeur sur place, à la façon de ce que font les Etats-Unis avec les entreprises étrangères opérant chez eux : « Je ne préconise pas que l’Europe devienne une forteresse. Il ne s’agit pas d’une confrontation avec la Chine. Il s’agit de garantir que l’écart de compétitivité – quelque chose que l’industrie automobile européenne n’a pas créé et ne peut pas changer – ne se creuse pas. »
Malgré tout, le grand patron se veut optimiste en déclarant : « Nous savons comment innover plus rapidement, réduire les coûts et améliorer les performances pour construire de meilleures voitures. C’est pourquoi nous accueillons les fabricants et fournisseurs chinois qui souhaitent produire en Europe. Nous aimons la compétition et sommes prêts à y faire face. » Mais il avertit : « Il ne s’agit pas seulement de faire fonctionner les usines. Il s’agit d’assurer la prospérité de la région à long terme. »
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